Chronique Littéraire
La Croix de la Mariée de GAD Ami : un roman que chaque couple devrait lire

Gad Ami est l’une des premières femmes à embrasser l’écriture romanesque au Togo. C’est dire qu’elle fait partie du cercle retreint des pionnières de la littéraire féminine togolaise. Alors que l’on croyait qu’elle avait abandonné sa plume, après la parution de son premier roman en 1986, Étrange héritage, Gad Ami est réapparue en 2019 avec une nouvelle pépite littéraire.
Il s’agit d’un roman de plus de 200 pages intitulé La Croix de la mariée, publiée aux Éditions Awoudy. Alors que faut-il savoir sur cette œuvre à lire absolument (surtout pour les couples) ? C’est ce que nous allons découvrir dans les lignes qui suivront.
1. La première de couverture du roman

La croix de la mariée est une œuvre écrite par Brigitte GADEGBEKOU sous le pseudonyme ou non de plume GAD AMI. Le pseudo GAD est issu de la troncation par apocope de son vrai nom GADEGBEKOU, l’apocope étant la chute d’une ou de plusieurs syllabes à la fin d’un mot. L’autre pseudo, Ami, est aussi issu de la troncation d’Amivi, un autre nom de l’auteure.
La première de couverture du livre laisse entrevoir un cadre rouge, et un cœur « love » portant une minuscule croix sur un fond blanc. Le titre du roman est en rouge, l’auteur, le préfacier et le genre en noire. Cette mise en forme de la première de couverture, selon notre interprétation, signifierait ceci :
- Le blanc symbolise le mariage, les nouveaux mariés.
- Le cadre rouge et le cœur symbolisent l’amour et le danger qui encadre l’histoire.
- La petite croix dans le cœur serait celle qu’endosse l’amour. L’amour est « un chemin de croix » lit-on. (Chercher la signification de chemin de croix selon l’Église catholique et lire chemin de croix de Kangni ALEM qui donne une idée de ce que pourrait-être le chemin de croix contemporain).
2. Que dit « l’intérieur » du livre ?

L’écrivain togolais Kangni ALEM a écrit la préface de La croix de la mariée. Elle est titrée « le roman et la foi ». Le roman lui-même est reparti en 15 chapitres se présentant sous forme d’épisodes comme on le voit dans les feuilletons novelas.
Il faut donc tout lire pour ne rien rater de la trame ou de l’histoire. L’œuvre fait en tout 234 pages et a été publié aux éditions AWOUDY en 2019. Rappelons que l’œuvre avait entre-temps été publiée au Bénin en 2014 sous une première de couverture différente de celle que l’on voit avec les Editions Awoudy.
3. Les personnages principaux
Bénita : épouse de Benjamin. C’est elle qui porte la croix de la mariée, elle endosse le poids de la mort de son père et seul confident, et supporte les exactions de sa belle-mère.
Benjamin : époux de Bénita et homme incapable de maîtriser sa mère qui s’ingère dans ces affaires de couples.
Martha KOLATI : mère de benjamin. Elle s’installe dans la maison de son fils et depuis plus de bonheur, que des malheurs.
Georges GADOR : père de Bénita. Conseiller de sa fille et sage de la famille GADOR. Directeur d’une compagnie, il est l’exemple d’un très bon chrétien catholique.
Anita : Marâtre de benita
Angèle : 1ʳᵉ maîtresse de benjamin qui tomba enceinte.
Kathy : collègue divorcé de son mari et amie de Bénita
Léon : frère de Benita
4. Résumé
Ce roman raconte le triste quotidien de Bénita et de Benjamin, un couple marié devant Dieu et les hommes. Tout se déroulait bien jusqu’au moment où la mère de Benjamin, Martha, décida de s’installer dans le nid d’amour du jeune couple.
De là commence le calvaire du jeune marié et de la mariée. La belle-mère fait tout pour que Bénita soit répudié, Bénita souhaiterait que son mari chasse sa belle-mère pour avoir la paix.
Pendant ce temps, le couple essaye d’avoir des enfants, mais rien, or sur le plan clinique, tout va bien. Entre occultisme, calomnies, insultes de la belle-mère, mort du père de Bénita, et infidélité de Benjamin, la femme supporte tout et lutte pour sauver son mariage.
5. Les principaux thèmes
La croix de la mariée évoque subtilement des thèmes qui se rapportent les uns aux autres. Ils entretiennent un rapport d’interpénétration. Le thème de l’amour débouche sur celui du mariage, celui-ci sur l’infertilité et bien d’autres comme la mort, l’avortement, l’occultisme.
L’amour
Il se traduit par l’amour qu’éprouve benjamin et Benita, l’amour paternel (père de Bénita pour sa fille), maternel (mère de Martha pour son fils).
Le mariage
Il est le thème central puisse que c’est autour de celui-ci que gravite tous les autres thèmes. Cela se manifeste par l’union de Ben et de Benita, d’Anita et George GADOR…Le point focal de ce thème tourne autour des difficultés et des épreuves que traversent les jeunes couples.
L’infertilité
Malgré le fait que les examens médicaux ont montré que Benita n’est pas stérile, elle ne réussit pas à enfanter. L’infertilité met face aux préjugés, calomnies et difficultés auxquelles font face les femmes qui n’ont pas d’enfant dans la société.
La mort
Le roman commence par un drame, la mort de George GADOR et toute une philosophie sur la mort.
L’avortement
Ce thème se manifeste par la demande des hommes mariés suppliant leurs maîtresses d’avorter, et tout un sermon à propos.
L’occultisme
Cela est visible chez la belle-mère qui use des pratiques mystiques prétextant la protection de son fils. Aussi l’allusion à l’esprit d’Asmodée dans la BIBLE qui tuait les maris…147
La religion
Le christianisme est le thème qui prédomine dans le texte. Des extraits Bibliques et beaucoup d’allusion à la foi Catholique en sont les piliers dans cette œuvre.
6. Richesses stylistiques
– Le texte est écrit dans un registre simple (courant) et à la fois sophistiqué. La tonalité est pathétique et empreinte du tragique comme on le constate dans l’œuvre.
– L’auteur a fait preuve d’une certaine maîtrise des techniques narratives : Le récit est écrit à la troisième personne et au temps passé. Le narrateur est omniscient, et donc la focalisation zéro, car il sait tout.
On note la présence des jalons temporels, (Il y a 3 ans, 5 ans…) mais aucune précision sur l’époque exacte où se déroule l’action. Nous pensons que cela traduirait le désir de l’auteur d’immortaliser ce texte en ne l’emprisonnant pas dans une époque ou période donnée.
– La technique de la mise en abyme a apparemment été employée. On retrouve une histoire dans une autre (Koffi et angélique). La technique du flash-back (retour dans le passé ou en arrière) est aussi présente.
Outre ces deux techniques, nous avons aussi remarqué l’intertextualité et l’inter-culturalité.
– L’intertextualité étant l’incorporation d’un texte dans un autre. L’auteure a fait appel à d’autres textes pour étoffer son roman. Ici, nous avons décelé des extraits de proverbes populaires et de textes Biblique, à savoir :
- « Crois toujours, progresse toujours, avance toujours » de St-Augustin P9
- « L’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à une seule femme et tous deviendront une seule chaire »37
– Quant à l’interculturalité, elle est manifeste à travers l’évocation de plusieurs cultures, africaines, Mina, culture judéo-chrétienne et aussi de certains pays et ville : le TOGO, le GHANA, Le BENIN, Bruxelles, Lomé, témoignant de l’interpénétration des cultures. Ce qui constitue en fait une richesse pour le lecteur.
– Nous sommes également tentés d’établir un rapprochement thématique entre La croix de la mariée de Gad Ami et Reste avec moi d’Ayobami Adebayo, une nigériane ayant reçu le prix Les Afriques 2020. L’amour, le mariage, l’importance de l’électrophorèse, la drépanocytose, l’infertilité, Les problèmes liés à la non-procréation de la femme… sont des thèmes que partagent en communs ces deux romans. Ils se recoupent et se situent dans le cadre de la sensibilisation par le moyen de la peinture des réalités sociales.
– Nous serions par ailleurs tentés d’affirmer que GAD AMI décrit son quotidien, sa vie, mais nous n’avons pas les preuves ou les pistes nécessaires pour qualifier son œuvre d’autobiographie, de roman autobiographique ou d’autofiction.
Le roman semblait si vrai, si réaliste que nous étions tentés d’alléguer qu’il s’agissait d’une autobiographie. Hélàs ! Les voies sont brouillées par le récit à la troisième personne, la différence entre le narrateur et l’auteur ainsi que l’absence d’un pacte autobiographique.
– Le seul élément sur lequel nous pouvions nous pencher est sa dévotion pour le Christ au travers de sa religion catholique. Nous nous attèlerons à ce travail une autre fois peut-être. Les hommes de lettre disent souvent que le lecteur est toujours tenté d’assimiler le texte à la vie de l’auteur. C’est le piège dans lequel nous avions failli sombrer « peut-être »…
Pour finir, nous conseillons humblement ce roman à tout passionné de lecture et à tous les jeunes couples. Cela pourrait aider à gérer certains problèmes de foyers (notre avis). En clair, Gad Ami n’a pas perdu sa plume et son écriture ne souffre d’aucune ride.

7. Morale
La morale parait au travers des conseils et paroles de sagesse dans le texte. Voici quelques extraits pour vous donner l’eau à la bouche .
« L’homme n’aime pas qu’on touche à sa mère, surtout pour les problèmes de couples, c’est marcher sur des œufs et il faut savoir où mettre les pieds »48
« La souffrance fait partie de la vie, elle est le piment qui nous fait apprécier notre séjour terrestre » P163
« L’amour est le commencement de la souffrance, c’est doux et amer »108
« Ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur »46
« Le mariage ne doit pas être une croix à porter »15
« Le corps humain est comme une radio que l’on vient de débrancher et qui pourtant continue de fonctionner pendant quelques secondes »
Alain ANDJAO