Politique
Adhésion du Togo à l’AES : Lettre ouverte de André Kangni Afanou à Robert Dussey

Dans une lettre ouverte adressée au ministre togolais des Affaires Étrangères, Robert Dussey, André Kangni Afanou fait part de ses préoccupations concernant l’adhésion du Togo à l’Alliance des États du Sahel (AES). Selon Afanou, cette décision pourrait avoir des conséquences profondes pour la stabilité politique, la souveraineté et la démocratie du pays. Il souligne l’importance de ne pas précipiter cette adhésion sans un examen approfondi des impacts à long terme, notamment sur les relations avec les autres États membres et les engagements internationaux.

Lettre ouverte À Monsieur le Ministre des Affaires Étrangères de la République du Togo Excellence Monsieur le Ministre Prof. Robert Dussey,
En janvier de cette année, vous avez, lors d’un entretien avec VoxAfrica, évoqué la possibilité pour le Togo de rejoindre l’Alliance des États du Sahel (AES). Hier, 11 mars 2025, votre page Facebook officialisait cette réflexion en mettant en avant trois principaux avantages : un accès stratégique maritime pour les États membres, une unité politique renforcée et une souveraineté africaine affirmée. Cette annonce, selon vous, « marque un tournant dans la politique africaine ». Mais pour nous, elle soulève des interrogations profondes. En effet, une telle orientation, aux implications majeures pour notre pays et la région, aurait mérité un débat national approfondi. Depuis votre interview de janvier, quelles consultations ont été menées à l’intérieur du pays ? Y a-t-il eu des échanges au sein des institutions actuelles de notre pays (gouvernement, parlement ou autres) ? Est-ce qu’en dehors des institutions, la classe politique, les leaders d’opinion, les universitaires, les acteurs de la société civile, les chefs d’entreprise et les figures culturelles ont été abordés pour débattre des avantages et potentiels inconvénients ?
La politique étrangère engageant l’avenir de la nation ne peut être l’apanage d’une seule autorité, aussi compétente soit-elle, sans un véritable dialogue national. Certes, les États membres de l’AES incarnent aujourd’hui une vision panafricaine qui s’oppose aux influences occidentales que tout Africain éclairé percevait comme négatives. Les États de l’AES ont su capter l’admiration de leurs peuples et d’autres Africains, en se présentant comme les fers de lance d’une souveraineté retrouvée. Toutefois, ces considérations suffisent-elles à justifier une adhésion du Togo à cette alliance, sans une évaluation rigoureuse des alternatives et des conséquences ? Les trois avantages que vous mettez en avant – accès maritime, unité politique, souveraineté – pourraient-ils être obtenus par d’autres voies, notamment à travers les cadres multilatéraux existants comme la CEDEAO et l’Union Africaine ? Si ces organisations ont montré des limites, l’option retenue a-t-elle été de chercher à y remédier plutôt que de s’en détourner ? L’efficacité d’un engagement régional repose sur la pérennité des institutions et la cohérence des principes sous-jacents. Il est donc légitime de se demander si l’adhésion à l’AES est une réponse structurelle aux défis du Togo ou une simple posture idéologique. Par ailleurs, si l’on considère ce que le Togo pourrait gagner en rejoignant l’AES, il est tout aussi essentiel de questionner ce qu’il risquerait de perdre. Actuellement, les États membres de cette alliance sont dirigés par des régimes de transition où les règles de l’État de droit sont suspendues et où les processus électoraux sont mis en pause pour des périodes indéterminées. Or, l’histoire a montré que les transitions prolongées, sans perspectives claires de retour à la légitimité démocratique, peuvent engendrer des incertitudes politiques et économiques dommageables.
Il est indéniable que le panafricanisme est une aspiration partagée par une majorité d’Africains, qu’ils soient ou non membres de l’AES. Toutefois, l’intégration régionale et la souveraineté ne doivent pas être dissociées des principes démocratiques. Des États comme le Ghana et le Sénégal démontrent qu’il est possible d’incarner ces valeurs tout en consolidant des institutions démocratiques robustes. Leur exemple illustre que l’option d’une coopération régionale forte ne s’oppose pas à la nécessité d’un État de droit stable et respectueux des libertés fondamentales. Monsieur le Ministre, la question qui se pose aujourd’hui n’est pas seulement celle des bénéfices d’une adhésion à l’AES, mais aussi celle du processus qui y mène. Dans l’intérêt des Togolais, des États de la CEDEAO et, au-delà, de l’ensemble des Africains, ne conviendrait-il pas d’ouvrir un véritable débat national sur cette question ? Une décision d’une telle envergure ne saurait être prise sans une concertation large et approfondie. Nous vous exhortons donc à favoriser un dialogue inclusif afin que cette réflexion stratégique soit menée en toute transparence et en prenant en compte les aspirations et préoccupations de l’ensemble des citoyens.
Respectueusement, André Kangni AFANOU, Citoyen africain né sur la merveilleuse Terre du Togo, ce 12.03.2025.
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Un débat inclusif pour l’avenir du Togo
Afanou plaide pour l’organisation d’un débat national inclusif, où toutes les parties prenantes de la société togolaise, y compris les oppositions politiques, la société civile et les experts, puissent s’exprimer. Pour lui, une telle démarche est essentielle afin de garantir que l’adhésion à l’AES soit une décision mûrement réfléchie, prenant en compte non seulement les enjeux géopolitiques, mais aussi les aspirations démocratiques et les préoccupations économiques du peuple togolais.
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